L’écriture  des  évangiles

   Les évangiles ont été écrits dans le contexte d’une nouvelle orientation culturelle qui avait mis l’Église dans la nécessité de se définir comme institution. Il fallait entre autres que l’enseignement de l’Église passât de sa forme kérygmatique à un statut de doctrine et de « dogme », et qu’on eut complété la connaissance du mystère du Christ par celle de son expérience historique. On pourrait dire – si cette affirmation ne péchait pas d’une certaine exagération – qu’on devait passer du Christ à Jésus, sans, bien entendu, renier le premier.
   Ce passage posait sans doute des problèmes, tant dans l’expression et l’écriture que dans le mode de penser. J’ai choisi d’étudier ces problèmes en ayant sous les yeux le prologue de l’évangile de Luc, qui est le seul texte apte à nous faire connaître les intentions de l’auteur et les interrogations qu’il s’était posées dans la composition de l’œuvre, sans compter que ce texte se révèle d’autant plus utile qu’il se réfère aussi aux évangiles qui l’avaient précédés et à leurs motivations : « Plusieurs ayant entrepris de composer (anataxastai) un récit (diegesin) des faits qui se sont accomplis parmi nous suivant ce que nous ont transmis (paredoxan) ceux qui ont été témoins oculaires dès le commencement et sont devenus ministres (uperetai) de la parole, il m’a semblé bon, après avoir suivi à nouveau avec exactitude toutes ces choses depuis les origines, de te l’exposer par écrit d’une manière suivie (catexes) afin que tu connaisses la certitude des enseignements que tu as reçus » (Lc 1:1).
   Je ne ferai pas une exégèse de ce texte, mais seulement une lecture, cherchant par-là à répondre à quelques interrogations.